Depuis le début des années 2000, le recours à la méthode expérimentale par assignation aléatoire pour évaluer les dispositifs publics connait un essor mondial sans précédent. Cette méthode scientifique est présentée par ses promoteurs comme la plus rigoureuse pour estimer l’impact d’une intervention ainsi que la mieux à même de favoriser la prise en compte des preuves scientifiques par les décideurs politiques. Son utilisation dans le cadre de l’evidence-based policy nous amène à considérer cette méthode comme un instrument, une institution sociale, visant à organiser un apprentissage commun entre les acteurs de l’action publique et les acteurs scientifiques. L’observation de cette interaction constitue le cœur de ce travail de recherche. Ce dernier étudie comment l’inscription de ses parties prenantes dans leurs champs d’action stratégiques respectifs conditionne l’usage de cette méthode sur le territoire français. Celle-ci se décline alors, en une variété des sites institutionnels témoignant des oppositions entre les pratiques, les intérêts, et les modèles d’apprentissages des acteurs la composant. Notre analyse de15 études de cas de son utilisation sur le territoire français, révèle les tensions inhérentes à l’application de cette méthode sur de nouveaux dispositifs d’intervention sociale, et questionne ses capacités à produire un apprentissage commun entre acteurs de l’action publique et acteurs scientifiques.